Όταν οι γυναίκες της Γαλλίας αναζητούσαν το όνομα... ή γιατί η γλώσσα τις ήθελε αόρατες

Citation:

Ευθυμίου Λουκία, Μενεγάκη Μαρία. Όταν οι γυναίκες της Γαλλίας αναζητούσαν το όνομα.. ή γιατί η γλώσσα τις ήθελε αόρατες. Αθήνα: Εκδόσεις Λιβάνη; 2009 pp. 223.
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Abstract:

Ce travail, élaboré dans le cadre d’une recherche amorcée en 2004 et financée à partir de 2008 par le programme de recherche universitaire « Kapodistrias », est composé d’une Introduction, de trois parties divisées chacune en sept chapitres, d’un Épilogue et de deux Annexes.
Dans l’Introduction (p. 17-21) est délimité le champ de réflexion, sont définis les principaux axes et fixées les limites chronologiques de l’étude. Plus précisément ce travail se donne pour propos d’étudier, dans une perspective historique, l’adaptation du système de la langue aux exigences qu’a fait surgir l’entrée progressive des femmes dans la sphère publique et notamment dans la vie professionnelle et politique. Point de départ de la réflexion, la thèse selon laquelle la langue constitue un vecteur privilégié de débats et de conflits idéologiques. Véhicule de stéréotypes et de préjugés sociaux, elle dévoile la naturelle culturelle et institutionnelle des rapports de pouvoirs inégalitaires entre les sexes ; de ce fait, elle joue un rôle actif dans le processus de construction identitaire, de formation également de la conscience de genre. La perspective chronologique commande la structure de la présente étude. Chacune de ses trois parties est centrée autour d’un temps fort de l’histoire en question.
Première partie : « La naissance de la question : de la Révolution française à la IIIe République » (p. 23-61). En prenant comme point de départ de l’analyse la Révolution française, cette partie qui se divise en trois chapitres, s’étend jusqu’au milieu de la IIIe République. Chapitre I : « La Révolution française et les droits de la femme » (p. 25-31). Dans un premier temps, l’intérêt se porte ici principalement sur Olympe de Gouges. Par son action et surtout par son texte subversif de 1791, la « Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne », cette dernière met en évidence le piège du masculin universel et conteste l’oecuménisme de la Déclaration de 1789. Ensuite, l’analyse s’intéresse à la théorie sociale de Charles Fourier. Celui-ci, conscient du rapport étroit entre égalité sociale et politique des sexes, d’une part, et visibilité du féminin au niveau linguistique, d’autre part, prend soin de créer des noms féminins pour toutes les fonctions et professions exercées au sein de la nouvelle société qu’il préconise. Chapitre II : « L’éveil de la conscience féminine collective : 1830-1848 » (p. 32-44). La période de la Monarchie de Juillet, marquée par l’action des saint-simoniennes et de Flora Tristan constitue également un moment important de cette histoire. Flora Tristan, en particulier, convaincue que l’émancipation de son sexe est intrinsèquement liée à sa visibilité dans la langue, utilise, en pleine conscience, dans ses textes les deux genres grammaticaux. Elle considère qu’en nommant les femmes, elle contribue à l’évolution des mentalités et au progrès de la société et de ses lois. L’année 1848 constitue un autre moment clé dans l’évolution de la question. L’institution, sous la IIe République, d’un « suffrage universel » excluant pourtant les femmes constitue le catalyseur qui provoque la rixe avec le socialisme et le mouvement ouvrier. Les saint-simoniennes, dont Jeanne Deroin, impliquées activement dans le débat ouvert recourent constamment à l’arsenal linguistique légué par leurs devancières. Chapitre III : « Préoccupations féministes et questions linguistiques à la fin du XIXe siècle » (p. 45-61). Ce chapitre divisé en trois unités examine le tournant survenu aux débuts de la IIIe République : c’est le moment où des liens entre féminisation des emplois et féminisation des noms se tissent. Des féministes de la première vague (Maria Deraismes, Marie-Louise Gagneur, Hubertine Auclert) associent explicitement l’égalité professionnelle et politique à la féminisation des noms de métiers et de fonctions. Elles développent les arguments de leurs devancières pour démanteler la théorie du « masculin universel » : elles soulignent la dimension sociale de la grammaire et contestent ouvertement les prises de position avancées par les membres de l’Académie française et par certains journalistes. Pour elles, l’inégalité dans la langue s’inscrit dans la culture et les institutions d’un pays. 
Deuxième partie : « L’évolution de la question au XXe siècle » (p. 63-102). Au cours de cette période, la féminisation de la langue cesse de constituer une affaire de penseurs sociaux et devient objet d’étude de la science linguistique nouvellement fondée. Elle préoccupe d’abord les grammairiens, puis, après 1975, les linguistes féministes. Cette partie est composée de deux chapitres. Chapitre IV : « Les grammaires françaises » (p. 65-80). Ce chapitre, divisé en deux unités, porte sur un certain nombre d’essais de grammaire publiés surtout au XXe siècle. En fonction de la prise de position de leurs auteurs, deux sont les tendances principales qui se dessinent. La première unité examine, entre autres, les essais de Cyprien Ayer (1876), d’Arsène Darmsteter (1925-1926), Maurice Grevisse (1939) qui, en invoquant l’impératif du « bon usage », soit proposent la stricte utilisation du genre masculin même pour les métiers exercées par des femmes soit se limitent à inventorier les différentes formes du féminin. De ces classifications résulte une multitude d’exceptions. La deuxième unité fait état des thèses des représentants progressistes des sciences du langage (Edouard Pichon et Jacques Damourette – 1911-1927-, Ferdiand Brunot – 1909 - et Albert Dauzat - 1954) qui en tenant compte des acquis sociaux et professionnels des femmes, proposent des féminins pour rendre ces dernières visibles dans la langue. Ces spécialistes signalent surtout le rôle de frein pour la féminisation de la langue que jouent des facteurs d’ordre psychologique : notamment le désir de certaines femmes de s’identifier sur le plan de la langue au sexe masculin, ce qui automatiquement occulte leurs conquêtes professionnelles et sociales – si elle ne les remet pas en cause. Chapitre V I « La contestation du principe de la prééminence du genre masculin » (p. 81-102). Ce chapitre tente de mettre en relief le rôle important joué par les linguistes féministes dans la promotion de la parité linguistique. Leurs travaux, qui commencent à être publiés à la fin des années 1970, décennie féministe par excellence, portent surtout sur la question de la disparition du sexe féminin derrière le genre grammatical masculin, sur la dissymétrie également des règles grammaticales quant à l’accord en genre. L’analyse insiste sur les théories de trois linguistes : Marina Yaguello, Anne-Marie Houdebine-Gravaud et Edwige Kaznadhar. Celles-ci avancent l’argument que la langue est un « miroir culturel qui fixe les représentations symboliques et se fait l’écho des préjugés et des stéréotypes » ; elles soulignent ainsi la dimension sociale de la question, d’où l’importance de l’instruction et notamment de l’enseignement de la grammaire dans la construction d’identités de genre. À l’exception de Marina Yaguello, qui sur certains points adopte des positions plus conservatrices, elles mettent en cause la théorie du masculin générique et procèdent à la déstructuration de l’image sexiste du monde : elles soulignent que l’être humain n’est pas neutre, mais a un sexe, masculin ou féminin, ce qui oblige à utiliser le genre grammatical correspondant. Vu la souplesse de la langue française, elles considèrent que celle-ci peut exprimer, sans difficultés, le nouvel ordre social et politique.
La troisième partie, « Vers une politique de la parité linguistique » (p. 103-149), rend compte de l’intervention des pouvoirs publics en matière de féminisation linguistique au cours des dernières décennies du XXe siècle et examine le degré d’efficacité des politiques élaborées en la matière. Cette partie est composée de deux chapitres.
Le chapitre VI, « Politiques linguistiques en France et dans d’autres pays de la francophonie (p. 105-129) comprend deux unités thématiques. La première porte sur la planification et la mise en oeuvre d’une réforme linguistique en France. On y distingue deux phases. Au milieu des années 1980, est créée, à l’instigation d’Yvette Roudy, une commission de terminologie chargée, sous la présidence de l’écrivaine Benoîte Groult, de former ou de remettre en usage les féminins de noms de métier, fonction ou titres ; cette initiative s’inscrit dans le dispositif en faveur de l’égalité professionnelle : la féminisation est ainsi présentée comme un outil contre le sexisme. Elle déclenche une vive controverse entre partisans de la réforme et Académie française soutenue par une large partie de la presse. Les travaux de la commission aboutissent à la circulaire de 1986 qui ne fut pas pourtant appliquée. La valeur symbolique du texte n’en est pas moins grande. Il a fallu que la dynamique paritaire progresse pour que la réforme prenne corps, une décennie plus tard, avec la publication d’une nouvelle circulaire en 1998 : cette évolution est surtout le résultat de la pression exercée par des femmes, membres du gouvernement Jospin. La deuxième unité du présent chapitre porte sur les interinfluences entre la France et les autres régions de la francophonie concernant la question de la féminisation de la langue. La recherche effectuée montra, enfin, que la circulaire de 1986 constitua le point de référence des initiatives entreprises dans cette direction par l’Union européenne et l’Unesco. Le chapitre VII, « Bilan d’une réforme linguistique » (p. 130-149), examine les résultats de ces politiques dans le domaine de l’administration, des médias, de la lexicographie, de l’éducation. À l’exception des manuels scolaires, l’enquête enregistra des progrès importants. Plus précisément, les documents administratifs (émanant des ministères, du Parlement, du Sénat plus récemment) appliquent de manière de plus en plus systématique les règles de la syntaxe épicène et de la féminisation des noms de grade et de fonction. En ce qui concerne le domaine des médias, la langue journalistique a fini par consacrer l’emploi des substantifs féminins en cause. La lexicographie, enfin, après une phase d’hésitation lisible dans la multitude des usages proposés, passe à une autre où est bien évidente la volonté d’enregistrer, de manière claire qui ne soulève pas de doutes, des formes grammaticales qui rendent visibles les femmes dans la langue.
Dans la Conclusion (p. 151-154), est tenté un bilan du long cheminement des Françaises vers la parité linguistique qui montre l’épaisseur historique de la question. Celui-ci rappelle le rôle qu’ont joué ces pionnières et pionniers – plus rares, il est vrai – dans la contestation du masculin « universel ». Leur action a mis en évidence le rapport entre la parité linguistique et politique. Même si certains noms de métier et de fonction n’ont pas encore été dotés d’une forme féminine attestée, lacune qui perpétue une image masculine du monde, le processus de visibilité des deux sexes dans la langue – « revendication fondamentale, essentielle et existentielle » - semble être désormais irréversible.
Deux annexes qui éclairent certains aspects importants de la question complètent cette étude. Dans la première (p. 157-176) sont présentés trois tables de substantifs provenant des éditions successives de trois dictionnaires français (Le Petit Robert, Le Petit Larousse, le Dictionnaire de l’Académie française) et d’un dictionnaire franco-hellénique (éd. Kauffmann). Ils mettent en lumière les progrès effectués dans le domaine de la féminisation de la langue. La deuxième annexe (p. 177-195) présente un florilège de textes traduits en grec par les auteures de la présente étude : a) articles publiés dans la presse de la fin du XIXe siècle : ils restituent le débat public ouvert entre partisanes de la féminisation de la langue et tenants du statu quo linguistique ; b) l’adresse de l’Académie française au Président de la République française publiée dans Le Figaro du 9 janvier 1998 sous le titre : « L’Académie française veut laisser les ministres au masculin » ; c) enfin les textes législatifs : les circulaires de Laurent Fabius (1986) et de Lionel Jospin (1998), la Recommandation du Comité des ministres du Conseil de l’Europe « sur l’élimination du sexisme dans le langage » : ce texte recommande aux gouvernements des États-membres de prendre des mesures en faveur de l’utilisation d’un langage reflétant le principe de l’égalité des deux sexes non seulement dans les textes juridiques et administratifs mais aussi dans l’éducation.
L’étude se termine par un Index des noms de personnes (p. 221-223) et une bibliographie (p. 197-220) composée d'essais de grammaire, de dictionnaires, de guides de féminisation et de rédaction non sexiste, de manuels scolaires, d'essais philosophiques, d'articles de presse, de textes législatifs et administratifs. La diversité des sources recueillies met en relief la complexité d’une question qui est loin de n’être que linguistique pour revêtir un caractère surtout politique, social et culturel.

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