Simone Weil vs Université : aspects inédits de l'histoire d'une professeure rebelle (1931-1940)

Citation:

Efthymiou L. Simone Weil vs Université : aspects inédits de l'histoire d'une professeure rebelle (1931-1940). Επιστημονική Επετηρίδα της Φιλοσοφικής Σχολής του Πανεπιστημίου Αθηνών . 2011;ΜΑ:279-295.

Abstract:

Par le biais de l’étude du cas de la professeure de philosophie Simone Weil (1931-1940), cet article s’intéresse à faire émerger un aspect du versant féminin de la transgression des normes au sein de l’Université de l’entre-deux-guerres. Il prend appui sur le point de vue des autorités universitaires tel qu’il se dessine surtout à travers la lecture des documents conservés dans le dossier de carrière de la fonctionnaire. Le présent travail tente aussi d’interpréter, sous un éclairage différent, les faits relatés par ses biographes.
L’analyse prend tout d’abord en considération le double registre de la langue utilisée par l’administration : discrétion dans notices annuelles, libération du langage dans la correspondance. La deuxième partie du travail enregistre les griefs les plus graves formulés contre la philosophe. L'administration fustige, en premier lieu, les rapports que Weil entretient avec ses collègues et sa conduite irrespectueuse à l’égard de sa directrice. On lui reproche en outre de ne pas respecter les programmes officiels et de transformer sa chaire en tribune où elle défend ses idées politiques et sociales : elle viole ainsi le principe de neutralité scolaire. La troisième partie de l’étude nous entraîne sur le terrain des activités militantes de la professeure. Les rapports de police, la correspondance de ses chefs administratifs, des articles de presse, enfin, se réfèrent surtout à sa participation aux grèves ouvrières organisées à la ville du Puy. L’examen du discours déployé dans ces documents révèle que le sexe de la militante gêne davantage que sa fonction : Weil provoque en premier lieu parce qu’elle est femme, donc non citoyenne, et ensuite parce qu’elle est professeure de l’enseignement public.
Dans la dernière partie sont mis en évidence les « silences » du dossier de Weil après 1933, ce qui laisse supposer qu’il fut systématiquement dépouillé après cette date. Malgré les vides dans la documentation, les documents repérés laissent percevoir clairement le point de vue de l’administration au sujet de la place de Simone Weil dans l’Université : celle-ci est, à tout moment, présentée comme une intruse, comme une déplacée, une « indésirable ».