L'École normale supérieure de Sèvres : naissance, évolutions, mutations d'une institution de formation professorale féminine sous la IIIe République

Citation:

Efthymiou L. L'École normale supérieure de Sèvres : naissance, évolutions, mutations d'une institution de formation professorale féminine sous la IIIe République. In: Femmes et le Savoir. Women and Knowledge. Frauen und Wissen. Collectif. Paris: Éditions Classiques Garnier; 2020. pp. 89-103.

Abstract:

En 1880 fut votée en France la loi relative à la création par l’État de l’enseignement secondaire de jeunes filles. Se posa dès lors la question du sexe du personnel qui allait se charger de l’enseignement dans les nouveaux établissements féminins. Dans son rapport de 1880 à la Chambre, Camille Sée, promoteur de l’œuvre, suggérait : « À mesure qu’il se présentera des femmes capables de donner l’enseignement, on devra les préférer et cela pour deux raisons : toutes les carrières sont fermées à la femme […] ; […] nous trouvons chez elle des qualités que nous chercherons en vain chez l’homme ». Par cette proposition le député républicain demandait, en substance, l’ouverture d’une nouvelle carrière intellectuelle pour les femmes. Son intervention impliquait, en même temps, néanmoins, la suppression d’un monopole masculin : le métier de professeur, étroitement associé au savoir et, subséquemment, à la raison et à l’abstraction, était, jusque-là, réservé « par nature » aux hommes. L’invention du « professeur femme » par la Troisième République se fit dans le cadre d’une entreprise de large envergure visant à la laïcisation de l’enseignement. Concrètement, ce nouveau corps féminin devait être investi de la mission d’arracher les jeunes bourgeoises, futures épouses et mères, à l’influence de l’Église. Sous ce rapport, des républicains, soucieux de ne point nuire au succès d’une œuvre si importante à leurs yeux pour la stabilité du régime même, s’employèrent, d’une part, à faire intégrer cette nouvelle figure de professionnelle à la norme féminine en la dotant des qualités de chasteté, de dévouement et d’abnégation caractérisant la religieuse qu’elle était appelée à remplacer dans le domaine de l’éducation des filles ; à lui procurer, d’autre part, une formation spécifique, adéquate à ses fonctions dans les nouveaux lycées féminins. Le but était, tout d’abord, de préparer les futures professeures à leurs responsabilités morales ; de leur donner, ensuite, accès à un savoir supérieur, certes, mais ayant tout de même un genre. Pour répondre à ces impératifs, les républicains fondèrent en 1881 à Sèvres une École normale supérieure, pendant féminin de celle qui fonctionnait pour les jeunes hommes, depuis le début du XIXe siècle, rue d’Ulm. Le présent traavail se propose de reconstituer – à travers l’étude de textes administratifs, de la presse spécialisée et associative de l’époque et de témoignages autobiographiques – la première grande étape de l’histoire fascinante de ce temple du savoir féminin sous la Troisième République.  L’accent est mis en particulier sur l’évolution des finalités d’une formation destinée à des femmes, sur les mutations du genre dans les programmes d’études et sur l’organisation des concours. Enfin, sont examinées les avancées vers l’assimilation avec la formation des professeurs hommes.

The present work proposes to reconstruct the first major stage in the fascinating history of the École Normale Supérieure for young girls which took place in Sèvres itself. Particular emphasis is placed on the evolution of the aims of training for women, gender changes in curricula and in the organization of national competitions for professors. Finally, the progress towards assimilation with the training of male professors is examined.

 

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